Un changement de statut

C’est l’une des plus grandes découvertes, à vivre d’abord pour soi, après avoir nourri l’espoir, grâce au mystère de quelques titres trouvés dans une unique biographie, grâce à cette énigme déjà fortement enrichie par la recherche du difficile établissement d’une chronologie d’écriture, que d’avoir en effet constaté qu’alors que les Éditions Gallimard avaient cessé toute publication et toute diffusion de son œuvre, Hélène Bessette, retirée à jamais, de son vivant, de toute vie publique, avait continué, malgré tout, l’insuccès, les discordes, à explorer les ressources du roman poétique.

Nous en savons si peu sur la vie réelle de l’auteure que tout pouvait être supposé de son activité d’écriture, de 1973, date de la dernière parution (Ida ou le délire) à 2000, année de son décès. Il restait, nous le savions, à découvrir les romans refusés (Fading, Paroles pour une musique, Histoire du chien, La fête des fils), mais le vertige nous a saisis en découvrant de nouveaux titres, et surtout, des dates, A cup of tea (1975), Le Roman de Rose (1980) et Mer calme, voyage heureux (1982). Dix années d’écriture, encore. Trois romans poétiques, encore. Ils seraient, de fait, à considérer comme les témoins d’un travail en cours, d’une recherche vouée, comme nous le supposons, à la seule postérité, à une lecture tardive, au moment où nous envisagions, nous, fidèles lecteurs de l’œuvre publiée, si difficile à trouver que nous la lisions déjà comme un trésor, être allés au bout de ce qui pourrait être dit, conçu, analysé, alors qu’il nous manquait trois des romans de la maturité.

Au-delà de ces textes, disponibles à la lecture à qui peut se rendre à l’Abbaye d’Ardenne où ont été déposées les archives d’Hélène Bessette, nous sommes happés par d’intrigants dossiers encore « non communicables », nous forçant à rêver devant des listes de titres, puis par d’autres séries de textes encore non diffusés, La Première heure, un dossier de Portraits, des poèmes, des pièces de théâtre. Même pour des bessettiens de tout front, l’écrivaine est encore à découvrir.

Ces textes évoqués sont bien des inédits. De cela, nous en sommes assurés. La première question qui se pose alors, et qui se posera un certain nombre d’années, est d’établir à quel point ils seraient achevés. Les différents états disponibles à l’IMEC nous rassurent quelque peu sur ce sujet, car nous trouvons plusieurs versions rédigées par l’auteure, d’abord manuscrites, puis tapuscrites, où nous voyons le travail d’écriture continuer. Hélène Bessette ne cesse de se réécrire. Elle recommence toujours, à se lire, à modifier, à développer, à remplacer, des mots, des phrases. La mise en chapitres se dévoile sous nos yeux. Il reste quelques corrections au stylo. Les textes sont dans leur dernière phase de relecture, la période où la Romancière les suppose prêts à être lus par d’autres, avant publication. C’est cette période que nous allons vivre ces prochaines années, cet état fragile d’une faute qu’on aimerait corriger, d’une phrase qu’on aimerait terminer, d’un sens que l’on aimerait déterminer quand l’expressivité poétique a tellement gagné toute une vie d’écriture qu’on lui laissera un caractère insaisissable, se refusant, à toujours, une trop hâtive conclusion.

Aussi sommes-nous heureux lorsqu’un texte apparaît enfin au grand public. On ne vit que deux fois, publié au début de cette année 2018, année du centenaire et du colloque à Cerisy, signe l’inauguration de notre grand bonheur, car voilà un « petit livre » qui nous rappelle à l’ordre. On aurait peut-être tous manqué quelque chose, et nous l’avons vécu en direct à la Maison de la poésie lorsque Claudine Hunault a offert au public à la fois une lecture intégrale du texte et une possibilité d’en saisir quelques pages sur un ordinateur. Ainsi, alors que chacun écoutait, que certains écrivaient, nous revoyions les titres de romans publiés, disparus, oubliés. Ils n’étaient pas dans les librairies, nous dit l’auteure, mais ils étaient là, dans la bibliothèque de la Maison de la poésie. On les a vus circuler. Certains lecteurs les ouvraient pour la première fois.

À l’instar de ce magnifique texte, nous savons que grâce aux commémorations du centenaire, à la publication au Nouvel Attila de l’œuvre complète et à la tenue de notre « Attentat poétique », Hélène Bessette va enfin connaître un changement de statut dans notre belle République des lettres.

Il est temps désormais de vous faire découvrir un premier inédit, A cup of tea, après la lecture qu’en a faite Claudine Hunault.

« L’écriture de Bessette est l’expérience toujours réactivée de la fissure qui tient lieu d’origine au regard et lui donne un point, ultime, à partir duquel il considère le monde. C’est une écriture sans répit. Pas de compromis. Une réécriture infinie. »

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